Sommaire
de l'année
En rapport avec les documents
sonores disponibles en archives au groupe Lutecium,
les extraits que nous proposerons bientôt sur cette page sont une transcription
écrite de la séance qui a été relue à l'aide de la bande son.
transcription de la version parlée
Ces places et ces
éléments, c'est où se désigne que ce qui est à proprement parler discours ne
saurait d'aucune façon se référer d'un sujet bien qu'il le détermine. C'est là
sans doute l'ambiguïté de ce par quoi j'ai introduit ce que je pensais devoir
faire entendre à l'intérieur du discours psychanalytique. Rappelez-vous mes
termes au temps où j'intitulais un certain rapport de la fonction et du champ
de la parole et du langage dans la psychanalyse.
Intersubjectivité, écrivais-je
alors, et Dieu sait à quelle fausse trace l'énoncé de termes tels que celui-là
peut donner occasion. Qu'on m'excuse d'avoir eu, ces traces, à les faire
premières. Je ne pouvais aller au devant que du malentendu. Inter certes en
effet, c'est ce que seule la suite m'a permis d'énoncer d'une
inter-signifiance, subjectivité de sa conséquence, le signifiant étant ce qui
représente un sujet pour un autre signifiant où le sujet n'est pas. C'est bien
en cela que pour ce que là où il est représenté il est absent, que représenté
tout de même il se trouve ainsi divisé.
Le discours, ce n'est pas
seulement qu'il ne peut plus dès lors être jugé qu'à la lumière de son ressort
inconscient, c'est qu'il ne peut plus être énoncé comme quelque chose d'autre
que ce qui s'articule d'une structure où quelque part il se trouve aliéné
d'une façon irréductible. D'où mon énoncé du discours introductif : "d'un
discours", je m'arrête : ce n'est pas le mien. C'est de cet énoncé du discours
comme ne pouvant être comme tel discours d'aucun, particulier, mais se fondant
d'une structure et de l'accent que lui donne la répartition, le glissement de
certains de ses termes, c'est de là que je pars cette année pour ce qui
s'intitule D'un discours qui ne serait pas du semblant.
A ceux qui n'ont pu
l'année dernière suivre ces énoncés qui sont donc préalables, j'indique que la
parution qui date déjà de plus d'un mois de Scilicet (2-3) leur en
donnera les références principales. Scilicet (2-3), parce que c'est un
écrit, est un événement sinon un avènement de discours.
D'abord en ceci c'est
que celui dont je me trouve instruit sans qu'on puisse éluder qu'il nécessite
votre presse, autrement dit que vous soyez là, et très précisément sous cet
aspect dont quelque chose de singulier fait la presse, assurément avec,
disons, les incidences de notre histoire, il est quelque chose qui se touche,
qui renouvelle la question de ce qu'il peut en être du discours en tant qu'il
est le discours du maître.
Ce quelque chose qui ne peut faire que de lier
quelque chose dont on s'interroge à le dénommer, n'allons pas trop vite à nous
servir du mot révolution.
Mais il est clair qu'il faut discerner de ce qu'il
en est de ce qui, en somme, me permet de poursuivre mes énoncés de cette
formule : D'un discours qui ne serait pas du
semblant.
Deux traits sont ici à
retenir dans ce numéro de Scilicet. C'est ce que je mets à l'épreuve,
somme toute à peu près, à quelque chose près qui est en plus, mon discours de
l'année dernière dans une configuration qui justement se caractérise par
l'absence de ce que j'ai appelé cette presse de votre présence. Et pour y
mettre son plein accent, je la dirais de ces termes... ce que cette présence
signifie, je l'épinglerai du plus-de-jouir pressé
Car c'est très précisément de
cette figure que peut être estimée, si elle va au-delà d'une gêne, comme on
dit, concernant trop de semblance dans le discours où vous êtes inscrits, le
discours universitaire, celle qu'il est facile de dénoncer d'une neutralité
par exemple que ce discours ne peut prétendre soutenir, d'une sélection
compétitive quand il ne s'agit que des signes qui s'adressent aux avertis,
d'une formation du sujet quand il s'agit de bien autre chose.
Pour aller au-delà de
cette gêne des semblants, pour que quelque chose s'espère qui permette d'en
sortir, rien ne le permet que de poser qu'un certain mode, qu'un certain mode
de rigueur dans l'avancement d'un discours ne clive en position dominante dans
ce discours ce qu'il en est de ce triage de ces globules de plus-de-jouir au
titre de quoi vous vous trouvez dans le discours universitaire
pris.
C'est précisément que quelqu'un, à partir du discours analytique, se mette à
votre regard dans la position de l'analysant - ce n'est pas nouveau, je l'ai
déjà dit, mais personne n'y a fait attention -, ce qui constitue l'originalité
de cet enseignement et ce qui motive ce que vous lui apportez de votre presse,
c'est ce qu'à parler à la radio j'ai mis à l'épreuve de cette soustraction
précisément de cette présence cet espace où vous vous pressez, annulé et
remplacé par le Il existe pur de cette inter-signifiance dont je
parlais tout à l'heure pour qu'y vacille le sujet.
C'est simplement une
[aiguillage
... ?]1 vers quelque chose dont l'avenir dira la portée
possible.
Il est un autre trait dans ce que j'ai appelé cet événement, cet avènement de
discours, c'est cette chose imprimée qui s'appelle Scilicet, c'est -
comme un certain nombre déjà le savent - qu'on y écrit sans
signer.
Qu'est-ce que ça veut dire ? Que chacun de ces noms qui se trouvent mis en
colonne à la dernière page de ces trois numéros qui constituent une année peut
être permuté avec chacun des autres, affirmant de là qu'aucun discours ne
saurait être d'auteur.
Là ça parle, dans l'autre cas, c'est [ ...
]2 ; là l'avenir dira si c'est la formule que, disons dans 5, 6 ans,
adopteront toutes les revues, les revues bien s'entend... enfin, on verra
!
Je
n'essaie pas, dans ce que je dis, de sortir de ce qui est
ressenti, éprouvé dans mes énoncés comme accentuant, comme tenant à l'artefact
du discours. C'est dire bien sûr - c'est la moindre des choses - que, ce
faisant, ça exclut que je prétende tout en couvrir.
Ca ne peut être un
système.
Ca n'est à ce titre pas une philosophie.
Il est clair qu'à quiconque qui
prend sous le biais où l'analyse nous permet de redoubler ce qu'il en est du
discours, ceci implique qu'on se déplace, dirais-je, dans un
"des-univers".
Ce n'est pas la même chose qu'un divers. Mais même
à ce divers je ne répugnerais pas, et pas seulement pour ce qu'il implique de
diversité, mais jusqu'à ce qu'il applique de diversion.
Il est très clair aussi
que je ne parle pas de tout, que même dans ce que j'énonce ça résiste à ce
qu'on parle de tout à son propos. Ca se touche du doigt tous les jours. Même
sur ce que j'énonce que je ne dise pas tout, cela est autre chose, je l'ai
déjà dit, ça tient à ceci que la vérité n'est qu'à mi-dire.
Ce discours donc qui se
confine à n'agir que dans l'artefact n'est en somme que le prolongement de la
position de l'analyste, en tant qu'elle se définit de mettre le poids de son
"plus-de-jouir" à une certaine place. C'est néanmoins la position qu'ici
je ne saurai soutenir, très précisément de n'être pas dans cette position de
l'analyste. Comme je l'ai dit tout à l'heure, à ceci près qu'il vous y manque
le savoir, c'est plutôt vous qui y seriez, dans votre presse.
Ceci dit, quelle peut
être la portée de ce que dans cette référence j'énonce : d'un discours qui
ne serait pas du
Ca peut s'énoncer de ma
place et en fonction de ce que j'ai énoncé précédemment, c'est un fait en tout
cas que je l'énonce. Remarquez que c'est un fait aussi puisque je l'énonce.
Vous pouvez n'y voir que du feu, c'est-à-dire penser qu'il n'y a rien de plus
que le fait que je l'énonce.
Seulement si j'ai parlé à propos du discours
d'artefact, c'est que pour le discours il n'y a rien de fait, si je puis dire,
déjà, et il n'y a de fait que du fait du discours. Le fait énoncé est tout
ensemble le fait du discours. C'est ça que je désigne par le terme d'artefact,
et bien entendu c'est ce qu'il s'agit de réduire, parce que si je parle
d'artefact, ce n'est pas pour en faire surgir l'idée de quelque chose qui
serait autre, d'une nature dont vous auriez tort de vous y engager pour en
affronter les embarras parce que vous n'en sortiriez pas. La question ne
s'instaure pas dans les termes : est-ce ou n'est-ce pas dicible ? Mais dans
ceci : c'est dit ou ce n'est pas dit.
Je pars de ce qui est dit dans un discours dont
l'artefact est supposé suffire à ce que vous soyez là. Ici coupure, car je
n'ajoute pas : à ce que vous soyez là à l'état de plus-de-jouir pressé. J'ai
dit coupure parce qu'il est questionnable de savoir si c'est en tant
que plus-de-jouir pressé déjà que mon discours vous rassemble. Il n'est pas
tranché, quoi qu'en pense tel ou tel, que ce soit ce discours, celui de la
suite des énoncés que je vous présente, qui vous mette vous dans cette
position d'où il est questionnable par le, par le pas d'un discours qui
ne serait pas du semblant.
Du semblant, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce
que ça veut dire dans cet énoncé ?
Du semblant de discours par exemple. Vous le savez,
c'est la position dite du logico-positivisme, c'est que si à partir d'un
signifié à mettre à l'épreuve de quelque chose qui tranche par oui ou par non,
ce qui ne permet pas de s'offrir à cette épreuve, voilà ce qui est défini ne
vouloir rien dire, mais avec ça, on se croit quitte d'un certain nombre de
questions qualifiées de métaphysiques. Ce n'est pas certain que j'y
tienne. Mais je tiens à faire remarquer que la position du logico-positivisme
est intenable, en tout cas à partir de l'expérience analytique
notamment.
Si l'expérience
analytique se trouve impliquée de prendre ses titres de noblesse du mythe
oedipien, c'est bien qu'elle préserve le tranchant de l'énonciation de
l'oracle.
Et je dirai plus : que l'interprétation y reste toujours du même niveau, elle
n'est vraie que par ses suites, tout comme l'oracle. L'interprétation n'est
pas mise à l'épreuve d'une vérité qui se trancherait par oui ou par non, elle
déchaîne la vérité comme telle. Elle n'est vraie qu'en tant que vraiment
suivie.
Nous verrons tout à l'heure les schémas de l'implication, j'entends de
l'implication logique, dans les formes les plus classiques, ces schémas
d'eux-mêmes nécessitent le fonds de ce véridique en tant qu'il n'appartient
qu'à la parole, fût-elle à proprement parler, insensée.
Le passage de ce moment
où la vérité se tranche de son seul déchaînement à celui d'une logique qui va
tenter de donner corps à cette vérité, c'est très précisément le moment où le
discours en tant que représentant de la représentation est renvoyé,
disqualifié. Et s'il peut l'être, c'est parce qu'en quelque partie il l'est
toujours déjà, que c'est ça que l'on appelle le refoulement.
Ce n'est plus une
représentation qu'il représente, c'est cette suite de discours qui se
caractérise comme effet de vérité. Effet de vérité, ce n'est pas du semblant
et l'Oedipe est là pour vous apprendre, si vous me permettez, pour vous
apprendre que c'est du sang rouge. Seulement voilà, le sang rouge ne réfute
pas le semblant, il le colore, il le rend ressemblant, il le propage : un peu
de sciure et le cirque recommence !
C'est bien pour cela que c'est au niveau de
l'artefact de la structure du discours que peut s'élever la question d'un
discours qui ne serait pas du semblant. En attendant, il n'y a pas de semblant
de discours, il n'y a pas de métalangage pour en juger, il n'y a pas d'Autre
de l'Autre, il n'y a pas de vrai sur le vrai.
Je me suis amusé un jour à faire
parler la vérité. Je demande où il y a un paradoxe. Qu'est-ce qu'il peut y
avoir de plus vrai que l'énonciation "je mens" ?
Le chipotage classique qui
s'énonce du terme de paradoxe ne prend corps que si ce "je mens", vous le
mettez sur un papier à titre d'écrit. Tout le monde sent qu'il n'y a rien de
plus vrai qu'on puisse dire à l'occasion que de dire "je mens". C'est même
très certainement la seule vérité qui, à l'occasion, ne soit pas brisée. Car
qui ne sait qu'à dire que "je ne mens pas", on n'est absolument pas à l'abri
de dire quelque chose de faux. Qu'est-ce à dire ? La vérité dont il s'agit
quand elle parle, celle dont j'ai dit qu'elle parle "je" qui s'énonce comme
oracle, qui parle ?
Ce semblant, c'est le
signifiant, en lui-même. Qui ne voit que ce qui le caractérise, ce signifiant,
dont au regard des linguistes je fais cet usage qui les gêne ?
(coupure)
Il s'en est trouvé pour écrire ces lignes destinées à bien avertir que sans
doute Ferdinand de Saussure n'en avait pas la moindre idée. Qu'est-ce qu'on en
sait ? Ferdinand de Saussure faisait comme moi : il ne disait pas tout. La
preuve, c'est qu'on a trouvé dans ces papiers des choses qu'il n'a jamais
voulu faire sortir.
Le signifiant, on croit que c'est une bonne petite
chose qui est apprivoisée par le structuralisme, on croit que c'est l'Autre en
tant qu'Autre, et la batterie du signifiant, et tout ce que j'explique bien
sûr. Bien entendu, cela vient du ciel parce que je suis un idéaliste pour
l'occasion.
Artefact ai-je dit d'abord, bien sûr. L'artefact,
c'est absolument certain que ce soit notre sort de tous les jours. Nous le
trouvons à tous les coins de rue, à la portée du moindre geste de nos mains.
S'il y a quelque chose qui soit un discours soutenable, en tout cas soutenu,
celui de la science, nommément, ce n'est peut-être pas vain de se souvenir
qu'il est parti très spécialement de la considération de
semblant.
Le départ de la pensée scientifique, je parle de l'histoire, qu'est-ce que
c'est ? L'observation des astres, qu'est-ce que c'est si ce n'est la
constellation, c'est-à-dire le semblant typique. Les pas premiers de la
physique moderne, autour de quoi est-ce que ça tourne au départ ? Non pas,
comme on le croit, des éléments, car les éléments, les quatre, même si vous y
ajoutez la quintessence, c'est déjà du discours, du discours philosophique, et
comment ! C'est des météores. Descartes fait un traité des météores. Le pas
décisif, un des pas décisifs tourne autour de la théorie de
l'arc-en-ciel.
Et quand je parle d'un météore, c'est quelque
chose qui se définit d'être qualifié comme tel d'un semblant. Personne n'a
jamais cru que l'arc-en-ciel, même parmi les gens les plus primitifs, que
l'arc-en-ciel était quelque chose, qui était là, courbé, dans le ciel. C'est
en tant que météore qu'il est interrogé. Le météore le plus caractéristique,
le plus originel, celui dont il est hors de doute qu'il est lié à la
structure même du discours, c'est le tonnerre, et si j'ai terminé mon
Discours de Rome sur l'évocation du tonnerre, ce n'est pas seulement
comme ça par fantaisie, il n'y a pas de nom-du-père de l'arc sans le tonnerre,
dont tout le monde sait très bien qu'on ne sait même pas le signe de
quoi c'est le tonnerre, c'est la figure même du semblant.
C'est en cela qu'il n'y a pas de semblant qui... , tout ce qui est discours ne
peut que se donner en semblant.
Eh bien, c'est Epicure, soit !
à part de ce quelque chose qui s'appelle signifiant, qui nous donne la
lumière : ce que je vous ai produit aujourd'hui est identique à ce statut
comme tel du semblant.
D'un discours qui ne serait pas du semblant ...
pour que ça fasse énoncé, il faut donc que d'aucune façon ce du
semblant ne soit complétable de la référence de discours, c'est
d'autre chose qu'il s'agit, du référent sans doute, contenez-vous un tout
petit peu. Ce référent n'est pas probablement tout de suite l'objet, puisque
justement ce que ça veut dire,... c'est que ce référent, c'est justement du
semblant.
Le semblant dans lequel le signifiant est identique à lui-même, c'est un des
pôles du terme de semblant, c'est le semblant dans la nature, ce n'est pas
pour rien que, lisez Rabelais ... qu'aucun discours qui évoque la nature n'a
jamais fait que de partir de ce qui dans la nature est semblant.
Car la nature en elle-même, je
n'parle pas de la nature animale, dont il est bien évident qu'elle en sait un
bout. C'est même ce qui fait qu'il y a de doux rêveurs... Pensez que toute entière
la nature animale, n'est-ce pas, des poissons aux oiseaux, chante la louange
divine, ça va de soi. Pourquoi ils ouvrent comme ça quelque chose, une tête,
une bouche, un opercule ? C'est un semblant manifeste, et elle nécessite cette
nuance quand nous entrons dans quelque chose dont l'efficace n'est pas tranché
pour la simple raison que nous ne savons pas comment cela s'est fait qu'il y a
eu si je puis dire accumulation de signifiants.
Car les signifiants, je viens de
vous le dire, sont répartis dans le monde, dans la nature, ils sont là à la
pelle.
Et
pour que naisse le langage - c'est déjà quelque chose que d'amorcer ça - pour
que naisse le langage, il a fallu que quelque part s'établisse ce quelque
chose que je vous ai déjà indiqué à propos du pari : c'était le pari de
Pascal, nous ne nous en souvenons pas.
Supposez ceci, n'est-ce pas !
L'ennuyeux c'est que ça suppose déjà le fonctionnement du langage, parce qu'il
s'agit de l'inconscient. L'inconscient et son jeu, cela veut dire que parmi
les nombreux signifiants qui courent le monde, il va y avoir en plus le corps
morcelé.
Il y a quand même des choses qui... dont on peut partir en pensant qu'elles
existent déjà. Elles existent déjà dans un certain fonctionnement où nous ne
serions pas forcés de considérer l'accumulation du signifiant.
C'est des histoires de
territoire. Si le signifiant, votre bras droit, va dans le territoire du
voisin faire la cueillette, ce sont des choses qui arrivent tout le temps, à
ce moment votre voisin saisit votre signifiant bras droit et vous le rebalance
par-dessus la chose mitoyenne. C'est ce que vous appelez curieusement
projection. C'est une façon de s'entendre. C'est d'un phénomène comme ça qu'il
faudrait partir.
Si votre bras droit chez votre voisin n'était pas
entièrement occupé à la cueillette des pommes, s'il était resté tranquille, il
est assez probable que votre voisin l'aurait adoré, c'est l'origine du
signifiant maître, un bras droit, le sceptre. Le signifiant-maître, ça ne
demande qu'à commencer comme cela tout au début.
Il en faut malheureusement un peu
plus, c'est un schéma très satisfaisant, en plus ça vous donne le sceptre,
tout de suite vous voyez la chose se matérialiser comme signifiant. Le procès
de l'histoire se montre, d'après tous les témoignages, dans ce qu'on a un tout
petit peu plus compliqué.
Il est certain que la petite parabole, celle par
laquelle j'avais commencé d'abord, n'est-ce pas, le bras qui vous est
re-renvoyé d'un territoire à l'autre, c'est pas forcé que ce soit votre bras
qui vous revienne, parce que les signifiants, c'est pas individuel. On ne sait
pas lequel est à qui.
Alors, vous voyez là, nous entrons dans une espèce
d'autre jeu originel quant à la fonction du hasard, que celui d'Oedipe. Vous
me faites un monde pour l'occasion, disons un schéma, un support, divisé comme
ça en un certain nombre de cellules territoriales.
Cela se passe à un certain niveau,
celui où il s'agit de produire, où il s'agit de comprendre un peu ce qui s'est
passé. Après tout, non seulement on peut recevoir un bras qui n'est pas le
sien par ce processus d'expulsion que vous avez appelé on ne sait pourquoi
projection, si ce n'est que ça vous est projeté, bien sûr ! non seulement un
bras qui n'est pas le vôtre, mais plusieurs autres bras. Alors à partir de ce
moment-là, cela n'a plus d'importance que ce soit le vôtre ou que ce ne soit
pas le vôtre. Mais enfin comme après tout, de l'intérieur d'un territoire, on
ne connaît que ses propres frontières et que l'on n'est pas forcé de savoir
que sur cette frontière il y a six autres territoires, on balance ça un petit
peu comme on peut, et alors il se peut que ces territoires il y en ait une
pluie. L'idée du rapport qu'il peut y avoir entre le rejet de quelque chose et
la naissance de ce que je vous appelais tout à l'heure le signifiant maître
est certainement une idée à retenir.
Mais pour qu'elle prenne
tout son prix, il faut certainement qu'il y ait eu par un processus de hasard
en certains points accumulation de signifiants. A partir de là, peut se
concevoir quelque chose qui soit la naissance d'un langage. Ce que nous voyons
à proprement parler s'édifier comme premier mode de supporter dans l'écriture
ce qui sert de langage en donne en tout cas une certaine idée : chacun sait
que la lettre A est une tête de taureau renversée et qu'un certain nombre
d'éléments comme celui-là [...?]3 laissent encore leur trace.
Ce qui est important, c'est de ne pas aller trop
vite et de voir où continuent de rester les trous. Par exemple, il est bien
évident que le départ de cette esquisse était déjà lié à quelque chose de
marquant le corps d'une possibilité d'ectopie et de balade, qui évidemment
reste problématique. Mais après tout, là encore, tout est toujours
là.
Nous
avons enfin, c'est un point très sensible que nous pouvons encore contrôler
tous les jours, il n'y a même pas très longtemps, cette semaine, quelque
chose, une très jolie photo d'un journal dont certainement tout le monde s'est
délecté. Les possibilités de l'exercice de découpage de l'être humain sont
tout à fait impressionnantes. C'est même de là que tout est
parti.
Il
reste un autre trou. Vous le savez, on s'est cassé la tête, on a bien fait la
remarque que Hegel c'est très joli, mais qu'il y a quand même quelque chose
qu'il n'explique pas .Il explique la dialectique du maître et de l'esclave,
mais il n'explique pas qu'il y ait une société de maîtres. Il est tout à fait
clair que ce que je viens de vous expliquer est certainement intéressant en
ceci que par le seul jeu de la projection, de la rétorsion, il est clair qu'au
bout d'un certain nombre de coups, il y aura certainement, je dirai, une
moyenne de signifiants plus importante dans certains territoires que dans
d'autres.
Mais enfin il reste encore à voir comment ces signifiants vont pouvoir dans un
territoire faire société de signifiants. Il convient de ne jamais laisser dans
l'ombre ce qu'on n'explique pas sous prétexte que l'on a réussi à donner un
petit commencement d'explication.
Quoi qu'il en soit, l'énoncé de notre titre de
cette année D'un discours qui ne serait pas du semblant
concerne quelque chose qui a à faire avec l'économie.
Ici, le "du semblant", nous
tairons "à lui-même", il n'est pas semblant d'autre chose, il est à prendre au
sens du génitif objectif. Il s'agit du semblant comme objet propre dont se
règle l'économie du discours.
Est-ce que nous allons dire que c'est aussi un
génitif subjectif ?
Est-ce que le "du semblant" concerne aussi ce qui
tient le discours ?
Seul le mot subjectif est ici à repousser, pour la
simple raison que le sujet n'apparaît qu'une fois instaurée quelque part cette
liaison des signifiants.
Qu'un sujet ne saurait être produit que de
l'articulation signifiante.
Qu'un sujet comme tel ne maîtrise jamais en aucun
cas cette articulation mais en est à proprement parler déterminé. Un discours,
de sa nature, fait semblant comme on peut dire qu'il fait florès ou qu'il fait
léger ou qu'il fait chic.
Si ce que j'énonce de la
parole est justement vrai d'être toujours très authentiquement ce qu'elle est,
au niveau où nous sommes de l'objectif et de l'articulation, c'est donc très
précisément comme objet de ce qui se produit dans le discours que le semblant
se pose.
D'où le caractère à proprement parler insensé de ce qui s'articule. Mais il
faut dire que c'est bien là que se révèle ce qu'il en est de la richesse du
langage, à savoir qu'il détient une logique qui dépasse de beaucoup tout ce
que nous arrivons à en cristalliser, à en détacher.
J'ai employé la forme hypothétique
: D'un discours qui ne serait pas du semblant.
Chacun sait les développements
qu'a pris après Aristote la logique de mettre l'accent sur la fonction
hypothétique. Tout ce qui s'est articulé de donner la valeur "Vrai" ou "Faux"
à l'articulation de l'hypothèse et à combiner ce qui en résulte, de
l'implication d'un terme à l'intérieur de cette hypothèse comme étant signalée
comme vraie. C'est l'inauguration de ce qu'on appelle le modus bonens
et bien d'autres modes encore, chacun sait ce que l'on en a
fait.
Il
est frappant qu'au moins à ma connaissance, jamais personne nulle part n'ait
individualisé la ressource que comporte l'usage de cet hypothétique sous la
forme négative.
Chose
frappante, si l'on se réfère par exemple à ce qui en est recueilli dans mes
Ecrits, quand quelqu'un, à l'époque, à l'époque héroïque où je
commençais de défricher le terrain de l'analyse, comme quelqu'un venait
contribuer au déchiffrage de la Verneinung.
Encore qu'à commenter Freud lettre à lettre, il s'aperçut fort bien, car Freud
le dit en toutes lettres, que la Bejahung ne comporte qu'un jugement
d'attribution.
En quoi Freud vraiment marque
une finesse et une compétence tout à fait exceptionnelles à l'époque où il
écrit ceci, car seuls quelques logiciens de diffusion modeste pouvaient à la
même époque l'avoir souligné.
Le jugement d'attribution, ce
qui ne préjuge en rien de l'existence : la seule position d'une
Verneinung implique l'existence de quelque chose qui est très
précisément ce qui est nié
Un discours qui ne serait pas du
semblant pose que le discours, comme je viens de l'énoncer, est du
semblant.
Ce qui a un grand avantage de le poser ainsi, c'est
qu'on ne dit pas du semblant de quoi.
Or c'est là
bien sûr, c'est là ce autour de quoi se proposent d'avancer nos énoncés, c'est
de savoir de quoi il s'agit là où ce ne serait pas du
semblant.
Bien sûr le terrain est préparé d'un pas singulier
et timide qui est celui que Freud a fait dans L'Au-delà du principe de
plaisir. Je ne veux ici - parce que je ne peux pas en faire plus -
qu'indiquer le noeud que forment dans ces énoncés la répétition et la
jouissance. C'est en fonction de ceci que la répétition va contre le principe
du plaisir qui, je dirai, ne s'en relève pas.
L'hédonisme ne
peut à la lumière de l'expérience analytique que rentrer dans ce qu'il est, à
savoir un mythe philosophique, j'entends un mythe d'une classe parfaitement
définie. C'est une thèse et je l'ai énoncée l'année dernière de l'aide qu'ils
ont apportée à un certain procès du Maître, en permettant au discours du
Maître, comme tel, d'édifier un savoir.
Ce savoir est
savoir de Maître.
Ce savoir a supposé, puisque le
discours philosophique en porte encore la trace, l'existence en face du Maître
d'un autre savoir dont, Dieu merci, le discours philosophique n'a pas disparu
sans avoir épinglé - avant - qu'il devait y avoir à l'origine un rapport entre
ce savoir et la jouissance.
Celui qui a ainsi clos le
discours philosophique, Hegel pour le nommer, bien sûr ne voit que la façon
dont par le travail l'esclave arrivera à accomplir quoi ? rien d'autre que le
savoir du Maître.
Mais qu'introduit de nouveau ce
que j'appellerai l'hypothèse freudienne ?
C'est sous une
forme extraordinairement prudente, mais tout de même syllogistique, ceci : si
nous appelons principe du plaisir ceci que toujours de par le comportement du
vivant il est revenu à un niveau qui est celui de l'excitation minimale et
ceci règle son économie.
S'il s'avère que la répétition
s'exerce de façon telle qu'une jouissance dangereuse, qu'une jouissance qui
outrepasse cette excitation minimale soit ramenée, est-il possible, c'est sous
cette forme que Freud énonce la question, qu'il soit pensé que la vie prise
elle-même dans son cycle, c'est une nouveauté au regard du monde qui ne la
comporte pas universellement, que la vie comporte cette possibilité de
répétition qui serait le retour à ce monde-ci en tant qu'il est
semblant.
Je vais vous faire remarquer par un graphique au
tableau que ceci comporte au lieu d'une suite de courbes d'excitation
ascendante et descendante et toutes confinant à une limite, qui est une limite
supérieure, la possibilité d'une intensité d'excitation qui peut aussi bien
aller à l'infini, ce qui est conçu comme jouissance ne comportant de soi en
principe d'autre limite que ce point de tangence inférieur, ce point que nous
appellerons suprême en donnant son sens propre à ce mot qui veut dire le point
le plus bas d'une limite supérieure,
de même qu'infime est le
point le plus haut d'une limite inférieure.
La cohérence
donnée du point mortel dès lors conçu, sans que Freud le souligne, comme une
caractéristique de la vie, mais à la vérité ce à quoi on ne songe pas est en
effet ceci : c'est que l'on confond ce qui est de la non-vie et qui est loin,
fichtre, de ne pas remuer ce silence éternel des espaces infinis qui sidérait
Descartes. Ils parlent, ils chantent, ils se remuent de toutes les façons à
nos regards maintenant. Le monde dit inanimé n'est pas la
mort.
[fin de la bande sonore]
Qui ne voit pas que l'économie, même celle de la nature, est toujours fait de discours, celui-là ne peut saisir que ceci indique qu'il ne saurait s'agir ici de la jouissance qu'en tant qu'elle est elle-même non seulement fait, mais effet de discours. Si quelque chose qui s'appelle l'inconscient peut être mi-dit comme structure langagière, c'est pour qu'enfin nous apparaisse le relief de cet effet de discours qui jusque-là nous paraissait comme impossible, à savoir le plus-de-jouir.
Est-ce à dire, pour suivre une de mes formules, qu'en tant que c'était comme impossible qu'il fonctionnait comme réel. J'ouvre la question, car à la vérité rien n'explique que l'irruption du discours de l'Inconscient, tout balbutiant qu'il reste, implique quoi que ce soit dans ce qui le précédait qui fut soumis à sa structure. Le discours de l'inconscient est une émergence, c'est l'émergence d'une certaine fonction du signifiant. Qu'il existât jusque-là comme enseigne, c'est bien en quoi je vous l'ai mis au principe du semblant. Mais les conséquences de son émergence, c'est cela qui doit être introduit comme quelque chose qui change, qui ne peut pas changer, car ce n'est pas du possible. C'est au contraire de ce qu'un discours se centre de son effet comme impossible qu'il aurait quelque chance d'être un discours qui ne serait pas du semblant.